Contribution au débat sur l’agriculture

L’agriculture, socle des sociétés humaines depuis 10.000 ans

L’agriculture est l’un des fondements des sociétés humaines depuis son apparition au Néolithique. Puissant facteur de changement, elle a remodelé nos paysages et la vie humaine.

Elle a modifié grandement nos conditions de vie, entraînant une expansion démographique. Cette évolution s’est imposée avec d’importants impacts sur notre environnement et de malheurs pour homo sapiens, qu’on songe au Croissant fertile devenu désert ou aux diverses maladies (pestes, varioles …) issues de la domestication des animaux.

Ainsi vers 1750, à l’aube de la révolution industrielle, le demi-milliard d’êtres humains peuplant la planète bleue était principalement composé de paysans et les forêts européennes avaient presque disparu. Nul ne se doutait qu’au fond des ateliers britanniques une « révolution » allait changer le monde.

De la révolution industrielle à l'agriculture industrielle

La révolution industrielle a complètement changé le profil du monde agricole.

Dans un premier temps, elle permit de diffuser d’autres outils dans les campagnes, ce qui entraîna l’augmentation de la production, libérant ainsi des mains qui allaient alimenter l’industrie capitaliste en pleine expansion.

Le 19e siècle vit apparaître une première explosion démographique en Europe, la surface des terres agricoles exploitées atteint des sommets et les forêts furent sauvées in extremis par l’usage du charbon dans les industries. Cependant, les techniques agricoles progressaient lentement jusqu’à l’apparition des engrais de synthèse, de la mécanisation et des produits phytosanitaires.

L’ensemble de ces procédés, qui se sont imposés principalement après la Seconde Guerre mondiale, ont contribué à l’augmentation de la population mondiale vers des sommets jamais atteints. Les rendements agricoles en Europe ont été multipliés par 5 entre 1950 et 2000, atteignant désormais un plafond et les aliments ne sont pas souvent accompagnés d’une bonne qualité nutritionnelle : plus mais pas mieux !

Les impasses de l'agriculture industrielle

Ce modèle agricole qualifié d’industriel semble aujourd’hui indestructible pour l’observateur un peu distrait. En effet, les rayons des magasins sont pleins de produits tous plus colorés, plastifiés, transformés, exotiques et nous produisons cela avec seulement 2 % d’agriculteurs actifs.

Là où le même distrait ne voit que prouesse et prodige, se cache pourtant une impasse dangereuse.

Cette révolution a un revers, elle n’est pas viable, car adossée aux énergies fossiles ; elle a entraîné un effondrement de la biodiversité, une pollution des eaux, une stérilisation des sols soumis aux effets du changement climatique…

Notre agrosystème mondialisé ne tient qu’à un fil. Un conflit avec la Russie et voilà le prix des engrais qui flambent, ces derniers étant produits à partir de gaz naturel…

Notre Président se fâche avec le roi du Maroc, quid de notre approvisionnement en phosphate ?

La crise énergétique frappe et nos tracteurs rutilants et rugissants sont cloués au garage faute de pièces de rechange ou de carburant.

Quelles solutions pour sortir de l'impasse actuelle ?

Depuis plusieurs années des alternatives ont essaimé partout sur Terre pour sortir de ce système infernal : agriculture biologique, agroécologie, agroforesterie, permaculture… . Toutes ces solutions sont porteuses d’espoir, même si elles ont leurs limites, et doivent pouvoir s’additionner, se multiplier. En tout état de cause, seule une politique volontariste et décroissante peut permettre à notre agriculture de sortir de l’impasse dans laquelle elle se trouve. 

Cette politique doit passer par une relocalisation des productions, une autonomie des fermes et une augmentation du nombre d’actifs agricoles.
La transformation de grandes exploitations productivistes en petites fermes écologiques devrait s’organiser au sein d’un socialisme agraire à base familiale et coopérative.

Cette évolution serait facilitée par une alliance possible entre les petits propriétaires des terres agricoles, encore nombreux en France, actuellement obligés de louer à de grosses exploitations, et les individus de plus en plus nombreux qui désirent cultiver la terre pour mener une vie en accord avec leurs principes. Pour y parvenir, de petites modifications réglementaires concernant le rôle des SAFER dans l’attribution des terres en location suffiraient.

La réduction continue du nombre de fermes n’est pas une fatalité naturelle, mais bien la conséquence de choix politiques en faveur des grandes exploitations, qu’il s’agit d’inverser.

La décroissance c'est une agriculture de proximité, autonome et partageuse

Tout d’abord, il est primordial de sortir de la dictature du consommateur.

Pour respecter notre biotope (milieu de vie) et notre santé nous devrons adapter notre alimentation aux capacités écologiques des terres. Ainsi une alternance de cultures diversifiées se traduira par une alimentation plus variée (légumineuses, céréales anciennes). L’élevage, souvent cantonné dans l’industrie agro-alimentaire, doit en sortir pour revenir dans l’économie rurale, permettant un retour vers une alimentation moins carnée, mais de grande qualité : quoi de mieux qu’une vache dans une prairie permanente, riche en plantes diversifiées, entourée de haies, au milieu de champs cultivés.

En outre, il faudra former un nombre croissant de travailleurs aux activités agricoles écologiquement responsables. 

L’autonomie des fermes passe par un système agronomique économe des ressources, qui préserve la fertilité des sols. Le système de polyculture élevage ou agro-sylvo-pastoralisme est le seul qui se rapproche d’un écosystème naturel : Plantation de haies, successions des cultures, réintroduction des prairies, élevage sur l’herbe, maraîchage, méthanisation à la ferme, usage mesuré du bois énergie… .

L’ensemble des pratiques liées à ce système agronomique peuvent se conjuguer à l’échelle d’une exploitation, d’un terroir, d’un bassin versant, elles peuvent s’entreprendre en couple ou à plusieurs … peu importe, l’essentiel est de reconstruire un agro-écosystème viable et vivable. Ainsi, les terroirs agricoles devront se transformer pour réintégrer le vivant : parcelles plus petites, haies et bosquets, suppression de certaines digues pour récréer des prairies inondables et fertilisées par les crues, engrais organiques via la production de fumier animal et de fumain, source de phosphore, permettant de recréer de l’humus.

 Dans ce système, la part des engrais de synthèse et des produits chimiques doit tendre vers la portion congrue. Quant au matériel agricole, il faut privilégier le low-tech facilement réparable en local, faiblement pourvu en électronique et alimenté par des huiles usagées ou du bio méthane, ainsi que l’énergie humaine et animale.

Remettre l'essentiel au cœur de notre alimentation

La transformation des produits agricoles en alimentation devra être limitée aux premières étapes (exemple élaboration de farines pour le blé, séchage pour conservation, etc.).

Ces produits agricoles, une fois acheminés vers les populations, devront être transformés en repas d’une manière différente d’aujourd’hui. En effet, il semble peu probable qu’un monde en mal de ressources puisse maintenir une cuisine suréquipée dans chaque foyer. Dans les centres urbains, la restauration devra s’inspirer des Pays dits en voie de développement : cuisine slow food, restaurants de rue, cuisine partagée, transformeront les produits frais et locaux en repas avec un minimum d’énergie au bénéfice de la population. In fine, les déchets culinaires et les déjections animales et humaines devront revenir au sol pour participer à la fertilisation de ce dernier, et permettre une régénération de sa matière organique.

Enfin, le commerce mondial de produits agricoles ne sera maintenu que pour éviter les épisodes de famines, en attendant que chaque Pays puisse subvenir à ses besoins sans subir les effets délétères d’une concurrence aveugle qui fragilise tous les paysans. Quant aux produits mondialisés, tels que le café et le chocolat, ils pourront toujours être consommés, dans une proportion bien moindre qu’aujourd’hui, seulement si une politique de décroissance se met en place à l’échelle mondiale permettant de maintenir des échanges internationaux réciproques et d’éviter un effondrement ou une guerre mondiale.

Voilà quelques exemples de transformation du modèle agroalimentaire par une politique décroissante, c’est-à-dire une évolution de la société qui intègre les limites écologiques de la planète et propose des solutions basées sur le local, l’entraide (même internationale) et le low-tech.