La relocalisation, un concept qui a le vent en poupe ?
Arnaud Gouillon, pour le Bloc Identitaire, jeune mouvement d’extrême droite s’exprime ainsi dans une de ses conférences : « Les valeurs d’ancrage ont le vent en poupe ! Le local n’est plus ringard y compris chez le consommateur le plus citadin et le plus bourgeois. Ceci est à considérer avec le plus grand sérieux car ce n’est plus un secret, le monde des marchands est en train de s’écrouler… Mais du chaos doit jaillir la lumière et doivent émerger nos repères, nos valeurs notre civilisation. »
Sur tout l’échiquier politique de l’extrême droite à la droite classique les idées de relocalisation ont le vent en poupe.
Du repli sur soi identitaire de l’extrême droite où la priorité nationale se décline en priorité locale, à la relocalisation industrielle de la droite classique accompagnée des taxes protectionnistes, en passant par les expériences capitalistes de type Kalundberg au Danemark et des projets fous de tour vivante « écologique », productrices hors sol de culture et d’élevage ultra intensifs, tout est prétexte à utiliser le terme de Relocalisation .
En radicale opposition avec de telles conceptions, pour nous objecteurs de croissance, la relocalisation est un moyen et un objectif pour mettre en place une société anti-capitaliste et anti-productiviste, génératrice du « Bien Vivre » pour tous.
Elle ne peut être réduite à une impossible autarcie ni à un seul problème de distance et de questions énergétiques. Les alternatives concrètes Amap, Circuits courts, Sel, si elles sont nécessaires, demandent à être intégrées dans un projet écologique plus large.
Laissons à la droite l’impasse de l’autarcie, et gardons pour nous l’espoir d’une autonomie généralisée de nos vies.
Déjà nombre de démarches et de réflexions oeuvrent en ce sens : « L’appel pour la préservation et l’extension des ceintures vivrières » lancé par l’association « Relocalisons » demande aux responsables politiques des collectivités locales de prendre des mesures pour permettre une alimentation saine et de proximité par une agriculture paysanne et biologique diversifiée, …de créer des réserves foncières en régie municipale, départementale ou régionale ou sous forme de coopérative.
Comme l’écrit Jean Zin, c’est au niveau local que « l’on peut se donner les moyens d’une sortie progressive et civilisée du capitalisme ».
La relocalisation de l’économie passe par une redéfinition démocratique de nos besoins, dans un monde aux ressources définitivement limitées, et profondément « détruit » par notre choix d’une société productiviste et consumériste. Elle implique de faire des choix démocratiques concernant les produits, la réduction drastique et la gestion de nos déchets, elle questionne également la technique et de ce fait elle ne peut se concevoir sans donner le pouvoir aux citoyens de gérer leur cité par une autogestion généralisée.
Plus que par les barrières douanières et un repli protectionniste, la création de monnaies locales par des citoyens eux-mêmes, favorisent la relocalisation des produits locaux et les échanges de proximités. Ces expérimentations sont déjà fortement avancées dans plusieurs villes. .Dans l’exemple de Romans sur Isère, la création de la monnaie locale « La mesure » favorise la relocalisation en posant les questions de qui participe, pour quels produits, et du lieu de production et d’utilisation , le bassin de vie. »
Une production relocalisée sous forme d’entreprises locales autogérées financées par l’épargne collectée localement, ou sous la forme de coopératives municipales ou locales pourraient organiser la production et les échanges locaux (réparation, recyclage, ateliers…).
La dotation inconditionnelle d’autonomie, revenu donné à chacun sans condition tout au long de la vie, favoriserait cette relocalisation, surtout si elle est donnée en partie en droit d’usage ou en monnaies locales, et serait indispensable pour que la relocalisation profite à tous en permettant de se libérer de la centralité qu’occupe actuellement le travail salarié dans nos vies.
« Ce n’est pas un revenu destiné à la consommation passive de marchandises mais qui doit permettre travail autonome et production locale hors de la pression du marché » Jean Zin.
Cette relocalisation devrait se faire également en revalorisant les compétence locales et les savoirs faire traditionnels avant qu’ils ne soient totalement oubliés.
La relocalisation a besoin d’être clairement définie sous peine de recouvrir n’importe quelle idéologie, voire la plus réactionnaire.
MT