Que disent les femmes ?

(2014 - 2024)

Plus que 364 autres jours après le 8 mars !

La semaine dernière, une réflexion d’une jeune femme au sujet de la couleur verte de son bonnet, assortie ou non à son manteau, nous a fait trouver cette expression : « le vert va avec tout… mais pas avec tout le monde ».

À notre époque, où le green-washing (lavage vert) est à la mode, effectivement le vert va avec tout. Les voitures sont « vertes », les TGV sont « verts », les autoroutes sont « vertes », les entreprises, les produits, tout se pare de vert, pour cacher la misère.

Le développement durable est passé par là et a permis d’apporter à toutes ces entreprises soi-disant vertes, la caution du durable. Nous irons jusqu’à dire « polluer moins pour polluer plus longtemps ». Tout le monde s’y est mis. Le développement durable a remplacé l’écologie. Voyez donc les résultats aux élections, vous diront les journalistes. « Verdir » son entreprise, c’est se dédouaner, mais c’est aussi, au nom de la croissance, tromper la consommatrice qui croit acheter en toute bonne conscience. Mais, est-elle dupe pour autant ? Crédule, oui, mais pas dupe. À méditer pour agir.…

Puisqu’il paraît que je dois arrêter de casser les c******* à tout le monde, je vais désormais m’adresser à la gent féminine qui en est dépourvue et dont l’absence se fait cruellement sentir dans les instances décisionnaires.

Ça tombe bien, nous avons encore été à l’honneur ce 8 mars 2014, alors que tout le reste de l’année, nous passons au second plan. Dire qu’il y a 364 jours entre deux épisodes de cette date si médiatisée est une blague. « L’espoir fait vivre » diront certaines.

La proportion de militantes(ts) écologistes ou d’objectrices(eurs) de croissance est plus importante en ville. Peut-on réellement imaginer se passer de la nature, vivre sans arbres, sans haies, sans herbes, sans oiseaux, sans papillons, sans tout ce petit peuple qui nous côtoie ? Les citadines(ns) vivent cela tous les jours, entourées(és) de béton et de bitume, et se pressent les jours chômés à la recherche d’un peu de verdure, de ciel dégagé et d’horizon. Une citadine que j’ai rencontrée récemment, m’a fait part du sentiment de ne pas se sentir « protégée » en ville. Elle a ressenti une plus forte protection à Metz qu’à Paris. Plus elle se rapproche de la campagne, plus fort est ce sentiment. Comme si, vivre en ville, la faisait se sentir encore plus dépendante.

Mais quel est donc le sujet de ce texte, si bizarre ? Féministe, non pas du tout, ce terme est dépassé, diront certains. Mais quand même, il s’agit de mettre les pieds encore une fois dans le plat. Zut, zut et rezut, nous sommes là. La moitié et un peu plus de la population mondiale. Et ce n’est pas parce qu’on nous élimine dans l’œuf dans certaines parties du monde que nous sommes moins nombreuses.

On se plaint, je ne sais pas qui est ON, mais voilà, on se plaint qu’il n’y ait pas assez de femmes en politique, pas assez de femmes dans la presse, pas assez de femmes dans les instances décisionnaires, etc.

Mais personne ne nous laisse la place ! Lorsqu’on veut s’exprimer, il faut d’abord trouver une faille dans la discussion masculine, où glisser sa parole. Et lorsqu’on nous la donne, l’idée est déjà largement dépassée, du temps que nous avions pris à nous préparer à parler.

Lorsqu’on veut s’investir, il faut d’abord trouver une garde pour les enfants, une garde pour les parents dépendants, des plats prêts à être réchauffés dans le frigo, les courses faites, la maison propre, le linge disponible, poser congé ou RTT, avoir l’ « autorisation » de son cher et tendre, et après, on y va. Mais pas trop, tout de même, il ne faudrait pas mettre en péril ce fragile édifice, si patiemment construit.

On rêve, là, non, ce n’est pas comme cela que ça se passe, quand même. Mais si, en 2014, c’est encore et toujours comme cela. Et en 2024 ?

Alors, parfois, on reste à la maison, et on s’exprime par le blog, les forums, les écrits.

Libérateur, un tout petit peu, car nous ne sommes toujours pas davantage présentes en politique, pas assez de femmes dans la presse, ni dans les instances décisionnaires. Évidemment, on reste à la maison et on se retrouve dans une catégorie socio-professionnelle insignifiante et inexistante, la femme au foyer, celle qui exerce « cent professions ».

Si l’on examine les comités de rédaction de journaux alternatifs, oups, on est quelques-unes, seulement quelques-Unes parmi la grande masse des UNS. Prenez vos journaux et comptez ! Nous sommes en droit de nous poser des questions sur notre place, non ?

Pour les municipales, on n’a pas voulu de nous comme candidates dans les petits villages.

Pour les européennes, les recherches ont été ardues. On a même vu passer une liste de noms de femmes à contacter pour compléter les listes.

Cantonnée au foyer et « silencieuse consommatrice adulée » ou hors foyer et militante aguerrie, résistante, la femme a l’impression de ne jamais faire les choses correctement. Lorsqu’elle se met en marche, c’est soit parce que sa « sensibilité » a été atteinte, comme, par la large blessure rouge du chantier de la LGV Est au milieu de la terre alsacienne, par la vue d’un épandage de pesticides qui fait jaunir la Terre, par la multiplication des cas de maladies autour d’elle, ou par l’image de ce derrick gigantesque dominant les champs de blé. Mais, c’est aussi parce qu’elle « sait » par ses lectures, par ses études que ce qu’elle sent, voit, est néfaste, injuste et destructeur et ne saurait être admis.

Elle est sur tous les fronts et doit toujours choisir, se justifier et se fait souvent mettre de côté, voire exclure. De quoi te mêles-tu ?

L’ordre des choses séculaire devrait être grandement bouleversé pour que cela puisse changer radicalement. D’autant plus que la résistance est grande du côté même des femmes. Et même si la volonté est présente, au quotidien, le « travail de maman », non pas celui de s’occuper de ses enfants, non entendez par là le travail domestique est le seul reconnu, valorisé par la grande majorité. C’est là qu’elle excelle, valorisée depuis sa prime enfance par la société. La femme qui travaille à l’extérieur a double tâche, le « travail de maman » l’attendant à son retour à la maison. Et que dire du travail de gestion de cette entreprise, charge mentale si lourde, « cent et une professions ».

Bien sûr, tout n’est pas ni tout blanc, ni tout noir. Certaines n’en ont cure, certaines foncent, certaines sont sur le devant de la scène, délaissant la gestion du quotidien, ou s’en déchargeant sur d’autres. Et alors, à qui fait-elle appel pour se décharger de ses activités domestiques ? A une femme de ménage, une nounou, une gouvernante, une auxiliaire de vie, une aide-soignante, une femme. Le soin, l’attention à l’autre, l’éducation et le social restent quand même son domaine réservé, voyez donc les chiffres du nombre de filles choisissant ces orientations. N’en déplaise à certain-e-s, le « soin de l’autre » est peut-être davantage inscrit dans le patrimoine génétique des femmes que les mathématiques et la physique ?

Il n’y a guère que les solitaires, ayant fait un choix de vie, ou celles qui ayant accompli leur vie, qui peuvent assumer pleinement leurs engagements.

Comprenez bien que dans certains foyers, les tâches sont heureusement partagées, mais qu’une certaine responsabilité morale fortement ancrée dans les inconscients, reste présente et se répercute sur la gestion du quotidien. Le choix de « rentrer à la maison », possible financièrement pour certaines, redevient celui de s’occuper de la maison, tous se déchargeant. Les obligations associatives ou militantes restent accessoires non obligataires, le contenu du garde-manger ou les piles de linge propres et les factures réglées restant prioritaires. Un bonus, on peut se glorifier de cette réussite, car en cas de grève, un monde s’écroule. En plein décapage de meuble, ou vidage du fumier de l’ânerie, l’heure de la préparation du repas sonne dans la tête. Bizarre, seulement dans sa tête à elle, une heure avant. Normal, il faut anticiper, 5 minutes avant le repas c’est trop tard pour faire un plat. Parfois, elle laisse faire et les mécontents mangent des tartines. Mais traîne toujours un relent de culpabilité, de faute de n’avoir pas fait ce qu’elle « devait » faire, c’est à dire ce que la société (ou son patrimoine génétique issu de la préhistoire) lui a toujours intimé de faire.

Revenons-en à la présence féminine dans la presse. Dominée par la gent masculine, la vision en est masculine, l’image en est masculine, le ressenti est masculin, et la façon d’exposer les sujets est masculin. L’entre soi les empêche même, parfois, d’imaginer une parole féminine. Alors, comment faire passer d’autres messages, comment se faire entendre, comment se faire comprendre ?

La presse féminine se porte bien, car elle est faite par des femmes et sait comment se faire comprendre, s’exprimant dans la même langue, même si certains de ses sujets portent à controverses.

Si des articles sont proposés à la presse alternative, et qu’ils ne sont jamais retenus, alors qu’une prélecture féminine a été positive, parlante, juste, à quoi est-ce dû, et comment faire ?

Comment passer la barrière masculine peut-être inconsciente, peut-être clivante ? On voit, on pense et on parle autrement. Les choses importantes sont rangées dans un autre ordre dans nos têtes que dans les leurs.

Seuls quelques journaux laissent la place à d’autres textes, d’autres visions, ce qui dans un journal politique reflète bien la notion première de ce mot, s’occuper des affaires de la cité. Ainsi, par exemple dans Fakir (n° 63), l’article intitulé « Le feu dans la culotte …mon cul dans la bassine » est bien politique tout en étant intime. Nous saluerons les deux articles de Nicole Delépine dans les z’indignés (n°14), qui ose briser la glace, mettant le doigt sur des pratiques imposées, dans le domaine de l’oncologie.

Les choix de contraception, de dépistage organisé, de teinture pour cheveux, d’alimentation, d’achats « mode » sont bien des choix politiques. X millions de femmes prennent la pilule hormonale, sans avoir le choix, X millions de femmes subissent des mammographies sans avoir le choix, X millions de femmes se teignent les cheveux ou s’épilent sans avoir le choix, X millions de femmes font leurs courses au supermarché, pressées par le temps, jonglant entre boulot-enfant-conjoint-maison, sans avoir le choix.

Le choix est possible lorsque tous les éléments sont réunis pour le faire, non pas lorsque le diktat est « tu prendras la pilule – seule contraception efficace, tu feras des mammographies obligatoires tous les deux ans à partir de 50 ans (en fait déjà à 40 ans) si tu ne veux pas avoir un cancer, tu te teindras les cheveux pour ne pas paraître vieille à 40 ans, tu t’épileras pour ne pas ressembler à un homme, tu feras tes courses au supermarché car c’est moins cher, tu changeras ta garde-robe tous les 6 mois pour ne pas paraître ringarde ».

Bien sûr, ce sont des affaires de femmes, mais elles portent atteinte à toute la société. Des choix faits par plus de la moitié de la population, souvent s’y rajoutent encore d’autres, ceux faits pour une partie de l’autre moitié, ont un impact considérable.

Il convient alors de laisser une place, de laisser la place aux femmes qui souhaitent s’exprimer en tant que femme et non exprimer ce que les hommes veulent entendre. Parler sans être entendues, parler sans que cela change quelque chose, à quoi bon parler, il vaut mieux se taire.

« Les femmes viennent de Vénus, les hommes viennent de Mars » est le titre d’un ouvrage de « John Gray », en partie explicite. Pour pouvoir se comprendre alors qu’on ne parle pas la même langue, il faut savoir donner et laisser la parole, il faut savoir écouter cette parole et essayer de la comprendre et l’accepter en tant qu’expression différente, mais non moins importante. Ce n’est pas parce que les hommes ne comprennent pas, ou ne sont pas d’accord que ce n’est pas important ou valable. C’est parfois juste une autre façon de voir les choses, une autre façon de les exprimer.

Pourquoi entre femmes se comprend-on ?

Marie-Noële – avril 2014/mars 2024