Sortir de l’UE

Sortir de l'UE pour construire

Une confédération de peuples indépendants et autonomes

Depuis bientôt deux ans, la Commission de L’Union Européenne, sous la présidence de Von der Leyen, pousse les états européens à envoyer des armes de plus en plus lourdes en Ukraine. Bras politique de l’Otan, l’Union Européenne n’a de cesse d’accompagner le conflit entre les États-Unis et la Russie, alors que c’est sur le sol de l’Europe que le sang est versé. Pourtant, l’Union Européenne avait été explicitement créée pour garantir la paix en Europe. Pourquoi un tel retournement ?

Depuis ses débuts, l’Union Européenne est sous l’influence des États-Unis. Les fameux « pères fondateurs de l’Europe » étaient des promoteurs assumés du modèle américain : Robert Schuman a lu une déclaration entièrement rédigée par les américains créant la CECA ( Communauté Économique du Charbon et de l’Acier de 1950, ancêtre de l’UE ), tandis que l’autre « père de l’Europe » Jean Monnet, envoyé par une banque américaine, était « un petit financier à la solde des américains » selon De Gaulle.

Après l’échec d’une défense européenne, les libéraux américains réussirent à convaincre les élites européennes que le libre-échange était le meilleur moyen de garantir la paix en Europe, d’où le Marché commun européen de 1958, avant garde du marché mondial actuel.

L'UE, une inspiration américaine

Au sortir de la deuxième guerre mondiale, l’Europe se lançait avec le plan Marshall sur des bases productivistes et consuméristes venues des États-Unis : dans un contexte de lutte contre le communisme, il fallait soutenir « la croissance et le développement » pour occuper les gens à produire et consommer en masse.

La Politique Agricole européenne Commune (PAC) initiée en 1962 avait pour objectif affiché de garantir l’autonomie alimentaire de l’Europe. En dopant l’agriculture avec des engrais et des produits chimiques inventés et fabriqués en grande quantité lors des guerres mondiales, en la mécanisant et en l’orientant vers l’exportation comme « arme verte », le résultat fut tout le contraire : les cultures vivrières disparaissent dans le monde tandis qu’en Europe – et particulièrement en France -, les monocultures chimiques et les élevages industriels ont contaminé l’eau, détruit la fertilité des sols, attaqué la biodiversité, abîmé la santé des consommateurs, supprimé des espèces et effacé les paysans en masse.

Longtemps produite à proximité des gens, la nourriture est alors devenue dépendante d’un approvisionnement lointain, aujourd’hui devenu fragile, tandis que les sociétés rurales traditionnelles et les modes de vie ancestraux, qui avaient résisté à tous les chocs de l’histoire, continuent d’être méthodiquement détruits par l’UE, alors que leurs savoirs faire auraient pu inspirer une véritable transition écologique.

Le libre-échange contre la nature et la paix

L’autre politique coûteuse et écocidaire de l’UE est celle des « Fonds structurels », principalement destinés à « désenclaver » tous les territoires, en créant des autoroutes et des routes partout en Europe, particulièrement à l’Est au cours des deux dernières décennies.

Les petits producteurs et commerçants de toute l’Europe furent alors victimes de la concurrence des multinationales et disparurent en masse, pendant que les paysages étaient dégradés par l’extension de la banlieue universelle de « l’Américan way of life », et qu’un mode de vie écologiquement insoutenable s’enracinait.

Les politiques néo-libérales de privatisation des biens publics et de liberté totale des capitaux s’imposent en Europe dès les années 1980, s’amplifient avec le traité de Maastricht en 1992 puis l’Euro en 2001, pour faire de l’UE une union des marchands et des banquiers : les délocalisations vers l’Asie sont alors massives, faisant augmenter les gaz à effet de serre, et l’Europe devient un bassin de consommation dépendant du reste du monde, tandis que les inégalités de richesse atteignent des proportions inédites, qui mettent en péril la cohésion des sociétés.

Le bon sens aurait pu s’inviter pour douter du fait qu’« introduire le capitalisme dans des pays éloignés et en dépendre pour sa survie garantisse la paix » (Keynes, 1933), ou pour craindre que des pays consommateurs puissants cherchent à « garantir leur sécurité de l’approvisionnement » par d’autres moyens que le « doux commerce », comme en Afrique.

A l’origine présenté comme simple moyen de la paix en Europe, le libre-échange a pris bien de l’importance, jusqu’à se retourner contre son but : promu par les intégristes néolibéraux aux commandes de l’Europe, il semblerait en effet favoriser les guerres, comme celles menées par l’UE pour le pétrole bon marché dans les années 2010 contre des régimes socialisants en Libye et en Syrie, à l’imitation des américains en Irak.

La fuite en avant de l’UE dans l’élargissement de sa zone de libre-échange est aussi devenue une cause de guerre : après l’Europe de l’Est, l’UE veut maintenant intégrer les marges de l’Europe comme l’Ukraine, pour en faire une zone de « friendshoring » (délocalisations de proximité). D’après les accords signés, de type néocoloniaux, l’Ukraine devrait « déconnecter » son économie de la Russie, en premier lieu ses centrales nucléaires, c’est une des raisons de la guerre actuelle.

Bien que les valeurs européennes accordent de l’importance aux régions, à la subsidiarité, à la non ingérence et à la démocratie, l’Union Européenne a soutenu en Ukraine un changement de régime illégal qui a déclenché les hostilités en 2013-14, a ensuite soutenu un jeune état ukrainien, centralisé et ultra nationaliste, qui réprime ses minorités linguistiques, refuse de leur accorder de l’autonomie ou d’organiser des référendums dans les territoires russophones.

Assumer un protectionnisme décroissant

Le libre-échange intégral prôné par les néolibéraux de l’UE conditionne et détermine toutes ses autres politiques. De même qu’une Europe sociale, une politique écologique cohérente est impossible : les mesures écologiques de l’UE ne font que tenter de réparer les effets de sa politique de concurrence et de compétitivité forcenée. Ainsi, l’UE favorise l’agriculture chimique productiviste, puis élabore des directives sur la biodiversité ou la qualité de l’eau ; elle favorise le transport sur de longues distances, puis promulgue des directives sur la qualité de l’air, etc.…

Il y a une incompatibilité profonde entre le libre-échange prôné par l’UE et l’écologie : faire valser les marchandises aux 4 coins de l’Europe ou du monde pollue forcément beaucoup, un enfant de dix ans pourrait le comprendre.

C’est pourquoi les écologistes conséquents que sont les décroissants proposent, avec une taxation différentielle des marchandises selon des critères tels que l’utilité sociale, les nuisances écologiques, la taille de l’entreprise, etc…, d’assumer un protectionnisme territorial sur les marchandises, les services et les capitaux nécessaires aux sociétés humaines, pour favoriser dans l’ordre :

     – la préférence locale, notamment pour l’alimentation : les carottes doivent venir du pays,

     – la préférence régionale, dans le cadre de bio-régions autonomes à construire, ne dépassant pas leur bio-capacité de charge,

     – la préférence nationale, pour tenir compte de la réalité des états et des langues,

     – la préférence européenne, pour tenir compte de l’imbrication actuelle des économies entre pays européens.

Sortir de cette UE est nécessaire

D’abord parce qu’elle n’est pas réformable : entre écologie et libre-échange, les institutions européennes ont tranché depuis belle lurette. Même si c’est mauvais pour le climat, les sociétés ou la paix, l’accroissement des échanges lointains – et donc des profits des multinationales – reste l’objectif principal de l’UE, comme le montrent les accords de libre-échange conclus récemment avec des pays lointains comme le Vietnam, la Corée ou la Nouvelle Zélande. On voit mal comment une organisation affirmant son libre-échangisme zélé depuis 1958 prendrait d’un coup une voie opposée.

Ensuite, l’étendue de la zone de libre-échange européenne rend impossible une relocalisation effective des productions et des consommations, quand bien même l’UE dirait-elle un jour le souhaiter : le contenant excède le contenu, c’est une question de taille ; une vaste zone de libre-échange comme l’Europe favorise les économies d’échelles pour les grandes entreprises internationales et élimine les petites moins « compétitives ». Dans tous les domaines, L’UE est devenue un terrain de jeu pour multinationales. Bruxelles est une ville occupée par leurs groupes de pression.

Enfin, les institutions européennes, peu démocratiques à l’origine, ont évolué depuis 2005 en oligarchie franche (étymologiquement « pouvoir des peu nombreux » ) : alors que les populations avaient rejeté par référendum les politiques néolibérales de l’UE, celles-ci s’appliquent quand même, et s’accélèrent depuis bientôt 20 ans sans consultation populaire.

La toute puissante commission européenne, non élue, dispose de fait d’un pouvoir souverain, au service des multinationales, pour renforcer la dépendance des populations à des macro-systèmes d’approvisionnement mondialisés. La fin de la règle de l’unanimité et le passage à celle de la majorité, dans de nombreux domaines européens dont la politique étrangère, renforcera le poids de cette technocratie européenne au service d’une oligarchie d’actionnaires et de l’Otan. Après des armes, les peuples européens devront-ils envoyer des troupes pour défendre les valeurs de cette UE ?

Construire une Europe des peuples

Pour parvenir à relocaliser les productions et les consommations essentielles – et ainsi pouvoir construire des sociétés européennes écologiquement soutenables et socialement décentes – sortir de cette UE toute entière organisée autour de l’économie du libre-échange est un passage obligé.

Pour autant, la géographie ne changera pas et la France restera en Europe : il nous faudra bien reconstruire une coopération européenne, même considérablement amaigrie par des politiques de relocalisation des activités.

Nos propositions vont dans le sens d’une confédération de peuples indépendants, acceptant la multipolarité du monde, et organisés en bio-régions autonomes, dans une perspective de relocalisation effective des productions et des consommations de base.

Pour empêcher la réémergence d’une technocratie européenne au service d’une minorité, un approfondissement de la démocratie est nécessaire : pour le niveau européen – comme pour les autres niveaux territoriaux – nous proposons de créer une assemblée populaire, tirée au sort, disposant d’un droit de veto, à côté de chaque assemblée élue. Un Sénat des peuples européens, constitué de citoyens ordinaires disposant d’un droit de blocage sur toutes les décisions, garantirait efficacement le pouvoir des peuples dans une coopération européenne à reconstruire.

La croissance c'est la guerre,

Pour une Décroissance pacifique

Dessin paru dans le journal l'Indépendant, édition de Perpignan
Dessin paru dans le journal l'Indépendant, édition de Perpignan